Sous l’égide du ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts CropLife Maroc et CropLife Afrique Moyen-Orient se penchent sur la production alimentaire durable et sur le besoin d’une transition agricole verte localisée au Maroc. « Promouvoir la transition de l’agriculture marocaine vers des systèmes alimentaires durables : de la théorie à l’action », c’est le thème du workshop organisé par CropLife Maroc et CropLife Afrique Moyen-Orient, le 15 février 2024 à Rabat, en présence des acteurs de toute la chaîne de valeur alimentaire.
Dans la conjoncture où le stress hydrique, les changements climatiques, la pression accrue des nouveaux ravageurs et la recrudescence de maladies des plantes font partie des nouveaux axiomes des dernières décennies, l’agriculture au Maroc se trouve forcée de faire face à plusieurs menaces en 2024. Elle est confrontée à trois défis concomitants de sorte qu’elle est contrainte de réussir sa transition vers des systèmes alimentaires plus durables, d’une part et de réduire l’insécurité alimentaire d’autre part, en plus de maintenir la compétitivité du pays en tant que partenaire commercial majeur de plusieurs marchés internationaux.
Concilier la durabilité économique, sociale et environnementale de façon viable s’impose alors comme le vrai challenge des années à venir.
Dans ce contexte, CropLife Maroc et CropLife Afrique Moyen-Orient, organisent un workshop sous le thème : « Promouvoir la transition de l’agriculture marocaine vers des systèmes alimentaires durables : de la théorie à l’action ». Plusieurs parties prenantes de la chaîne de valeur alimentaire, des secteurs publics et privés, ont été invitées pour échanger autour des défis qui s’imposent à l’agriculture au Maroc, mais surtout des opportunités d’assurer la transition vers des systèmes durables localisée tout en garantissant la sécurité alimentaire nationale.
Aujourd’hui, la pérennité des exportations agricoles marocaines vers l’Europe est confrontée aux mesures du Pacte Vert de l’Union Européenne qui ont entraîné une pression considérable sur la production et le commerce des produits agro-alimentaires au Maroc, notamment en imposant des restrictions sur l’utilisation de certaines substances actives des produits phytopharmaceutiques. Par conséquent, les agriculteurs marocains se voient désormais dans l’incapacité d’utiliser plusieurs produits phytopharmaceutiques pour les cultures destinées à l’exportation vers l’Union Européenne. Cette situation réduit leur éventail de solutions et les laisse seuls face aux défis climatiques spécifiques du pays. Pendant ce temps, des dérogations sont régulièrement accordées à certains pays de l’UE.
Entre 2019 et 2022, des dérogations ont notamment été octroyées pour des produits phytopharmaceutiques interdits (57 dérogations pour le thiaméthoxame, 48 pour le diquat, 30 pour le 1,3 dichloropropène, etc.). Force est de constater que toute décision de retrait de substances actives des PPP prise au niveau de l’Union Européenne entrainait une prise de position similaire au Maroc ; cependant, le système de dérogation n’existe pas au Maroc. Par conséquent, l’effectif des substances actives homologuées a connu une réduction de 10,5% . Entre 2017 et 2023, il est passé de 326 à 292 dans notre pays.
Dans cette lignée, des ex-professeurs chercheurs, à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, ont mené une étude sur l’impact du retrait des produits phytopharmaceutiques sur l’agriculture marocaine.
En se basant sur les superficies, les rendements et les consommations actuels, les retraits actuels et éventuels de produits phytopharmaceutiques laissent présumer des impacts importants en termes de pertes envisagées. Il en ressort que celles-ci peuvent atteindre 5% pour les céréales, 53% pour les légumineuses, 20% pour le sucre et 30% pour l’huile d’olive. Ces altérations ont été d’ailleurs matérialisées en 2023 par la pastèque, par exemple, où beaucoup de productions n’ont pas atteint leur maturité ou le calibre souhaité à cause d’infestations exceptionnelles de pucerons et de viroses dans la région du Loukkos. Le second exemple est celui de la pomme de terre dans la même région, où les attaques du mildiou en mars 2023 ont engendré des pertes estimées à 25% dans les semis précoces et une hétérogénéité de calibres.
A l’heure où l’insécurité alimentaire touche en moyenne 32% de la population marocaine1, selon un rapport récent des Nations Unies pour la période de 2019 à 2021, les retraits soudains des PPP ont donc des conséquences palpables sur le potentiel de production des cultures au Maroc. Par ailleurs, les retraits des PPP ont conduit certains utilisateurs à se tourner vers des commerces illicites et à expérimenter diverses méthodes de remplacement, faute de solutions alternatives disponibles.
De plus, il existe des menaces persistantes et grandissantes, notamment dues à l’introduction de nouveaux bioagresseurs des cultures au Maroc, ce qui risquerait d’aggraver la situation.
Ainsi, en l’absence de nouveautés ou d’innovations de protection, toute substance active retirée peut impacter le contrôle des bioagresseurs et occasionner plusieurs répercussions, notamment une protection phytosanitaire partielle ou absente, des pertes de rendement (5 à 70%), une dégradation de qualité, une augmentation des charges (5 à 30%), et une baisse de la rentabilité des productions agricoles.
Afin de transitionner vers des systèmes alimentaires durables, tout en réalisant les objectifs du « Plan Génération Vert 2020-2030 », CropLife Maroc et CropLife Afrique Moyen-Orient rappellent qu’il est essentiel de fournir aux agriculteurs marocains les outils nécessaires. En outre, ils notent que le Maroc dépend beaucoup des importations pour assurer son approvisionnement alimentaire et éviter les menaces sur la sécurité alimentaire lors des périodes difficiles de récolte. Ainsi, pour conserver sa position d’exportateur agricole et de partenaire commercial majeur sur plusieurs marchés internationaux, il est donc primordial que le Maroc continue de développer et de renforcer ses filières agricoles.
Dans ce contexte, CropLife Maroc et CropLife Afrique Moyen-Orient appellent à une transition verte agricole localisée au Maroc, qui prend en compte les caractéristiques géographiques, climatiques et économiques du pays, tout en favorisant une augmentation de la productivité agricole et apportant ainsi une contribution positive à l’économie locale.
Plusieurs éléments clés à la réussite de cette transition ont été identifiés, tels que le besoin de périodes de transition suffisantes pour les agriculteurs lors du retrait de produits phytopharmaceutiques du marché, ou encore l’octroi des dérogations d’urgence qui permettraient l’utilisation temporaire d’un PPP dans des circonstances particulières, à l’instar des cas de plusieurs pays de l’UE. L’accent a également été mis sur la nécessité de développer des mécanismes de concertation entre les pouvoirs publics, les scientifiques et les professionnels, notamment afin de mettre en place un cadre réglementaire favorable à l’innovation et à la recherche agricole pour développer des solutions alternatives – chimiques ou biologiques – aux solutions conventionnelles.
Dr Amellal, Directrice-Générale de CropLife Afrique Moyen-Orient, a déclaré que « bien que nos agriculteurs possèdent une remarquable capacité à s’adapter aux changements, ils ont également besoin d’outils appropriés pour ce faire. Chez CropLife, nous sommes convaincus que cela peut être réalisé grâce à l’utilisation de solutions technologiques et innovantes dans le domaine agricole, ainsi qu’à la coopération entre le secteur public et privé afin d’établir un cadre législatif nécessaire, basé sur la science ».
C’est dans ce contexte que la lumière a été jetée sur le Cadre de Gestion Durable des Pesticides (‘Sustainable Pesticide Management Framework’, ou ‘SPMF’) lancé par CropLife Maroc en 2022, et qui s’inscrit dans le droit fil de la réalisation des objectifs du ‘Plan Génération Vert 2020-2030’ du Royaume du Maroc. Visant à protéger la santé humaine, sauvegarder l’environnement et optimiser la productivité, le SPMF s’articule autour de trois piliers majeurs que sont la réduction de la dépendance à l’égard des pesticides hautement dangereux, l’encouragement de l’innovation et enfin, la promotion de l’utilisation responsable et raisonnée des phytopharmaceutiques.
Grâce à son approche localisée, le Cadre de Gestion Durable des Pesticides permet une transition vers des systèmes alimentaires durables tout en contribuant à la sécurité alimentaire du Maroc. L’objectif est de faire de la vision d’une agriculture durable une réalité vivante dans le pays, en mettant l’accent sur l’innovation, la recherche et la coopération public-privé. Pour atteindre cet objectif, l’engagement et la coopération des partenaires locaux et internationaux, des agences gouvernementales, des académies, des agriculteurs et de l’industrie sont essentiels.
« L’agriculture joue un rôle central dans l’économie du Maroc. Elle est cependant confrontée à de nombreux défis et nous pensons que la coopération entre les différents acteurs de la chaîne de valeur alimentaire est un élément clé pour atteindre nos objectifs », a souligné Mr Chetouani, Président de CropLife Maroc et Country Manager North & West Africa chez BASF. L’objectif final étant de faire du secteur agricole marocain un modèle de durabilité et de responsabilité à l’échelle internationale.
CropLife Maroc et CropLife Afrique Moyen-Orient ont revendiqué une transition vers des systèmes alimentaires durables qui soit localisée et alignée avec les besoins du Maroc. Ils appellent à encourager la collaboration public-privé pour les études et les essais de promotion de nouvelles approches novatrices chimiques et biologiques et s’engagent à soutenir les initiatives qui promeuvent l’agriculture durable, protègent les agriculteurs et garantissent un approvisionnement alimentaire sûr et sécurisé.